Contamination interne des travailleurs : quel suivi dosimétrique ?

Selon les rayonnements ionisants auxquels ils sont exposés, les travailleurs à risque sont orientés vers des analyses radiotoxicologiques ou des examens anthroporadiométriques de suivi dosimétrique. 

Une anthroporadiométrie réalisée dans un laboratoire mobile pour la surveillance du personnel exposé au CHU d’Angers (Maine-et-Loire). - © Noak/Le Bar Floréal/Médiathèque IRSN

TÉMOIGNAGE - Anne Florin : " Les soignants et manipulateurs sont les plus surveillés "

Anne Florin - Médecin du travail à l’Institut Gustave Roussy (Val-de-Marne) - © A. Florin

≪ Il y a plusieurs mois, une de nos infirmières s’est très légèrement contaminée à l’iode 131 après augmentation de la dose délivrée à un patient radiotraité. Celui-ci toussait beaucoup, projetant des particules d’iode 131 dans l’air de sa chambre, respiré par l’infirmière. L’incident, heureusement sans conséquence, a été l’occasion de rappeler les consignes de sécurité : porter gants et masque, se laver systématiquement les mains, ne pas s’approcher inutilement des patients radiotraités… Une recommandation supplémentaire a été ajoutée : en cas de doute, vérifier aussitôt la contamination des mains à l’aide d’un contaminamètre.
Avec deux confrères du service de santé au travail et du service de radioprotection, j’assure la surveillance médicale du personnel de l’Institut Gustave Roussy (IGR), soit environ 3000 personnes. La radiocontamination est un risque parmi d’autres – maladies infectieuses, lumbagos… Pour la contamination radioactive interne, nous suivons deux groupes à risque : les manipulateurs de médecine nucléaire, qui préparent et distribuent les radioéléments, et le personnel soignant, qui surveille les patients traités. Au total, une trentaine de personnes.
À l’IGR, différents radioéléments à durée de vie courte sont utilisés : le lutétium 177, l’iode 131 et le fluor 18. Le suivi du personnel à risque se fait au moyen d’analyses radiotoxicologiques : chaque salarié doit se soumettre à un prélèvement d’urine après une période d’exposition, selon son planning de travail et celui du soignant. L’échantillon est envoyé pour analyse à l’IRSN, qui nous alerte en cas de contamination avérée, comme dans le cas de l’infirmière. De mémoire, c’est le seul résultat positif à ce jour, sans impact dosimétrique ni conséquence sur la santé pour la salariée, mais justifiant les pratiques de surveillance adoptées.  »


INFOGRAPHIE - Anthroporadiométrie ou radiotoxicologie : que choisir ?

Selon le radioélément manipulé et la situation d’exposition, le médecin du travail prescrit aux travailleurs un examen anthroporadiométrique ou une analyse radiotoxicologique. Les deux peuvent se compléter en cas de contamination avérée. 

© Antoine Dagnan/Citizen Press/Médiathèque IRSN/Magazine Repères

AGIR EN CAS D’URGENCE

Les travailleurs à risque doivent contacter le médecin du travail de leur établissement après tout incident : erreur de manipulation, flacon renversé, poussières radioactives dans l’air… Pour vérifier une éventuelle contamination, il prescrit une analyse radiotoxicologique ou un examen anthroporadiométrique.

BIEN RECUEILLIR LES ÉCHANTILLONS

Le Laboratoire d'analyses médicales radiotoxicologiques (LAMR) fournit flacons et documentation sur les bonnes pratiques de recueil des échantillons. Pour les radionucléides à période courte, ou en cas d’urgence, il existe un protocole rapide. Les flacons doivent être envoyés au plus vite au LAMR.

PARTAGE DES RÉSULTATS

La directive européenne* relative à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements évolue. Elle autorise le médecin du travail à communiquer les résultats des examens à la personne compétente en radioprotection (PCR) de l’entreprise. *Décret n°2018-437 du 4 juin 2018.


AVIS D'EXPERT - Christine Bartizel : "Les résultats sont précieux en cas de maladie"

Christine Bartizel, Biologiste responsable du Laboratoire d’analyses médicales radiotoxicologiques (LAMR) - © Michel Tang (micheltakumaphoto.com)

J’entends souvent dire que les analyses radiotoxicologiques sont inutiles car les résultats sont toujours négatifs. Pourtant, ils ont une signification. Lorsqu’un travailleur exposé développe, dix ou vingt ans plus tard, un cancer ou une autre maladie, disposer de ces résultats dans son dossier médical peut être utile. Il est aussi de la responsabilité du médecin du travail et de l’employeur d’assurer une surveillance dosimétrique régulière du personnel à risque. Cette démarche est encadrée par des textes réglementaires et des normes.
Par la surveillance radiotoxicologique, on vérifie que les mesures de radioprotection sont efficaces et que les salariés ne se contaminent pas. Un résultat négatif est donc attendu. Attention cependant à bien recueillir les excreta et à vite les envoyer au laboratoire pour que les radionucléides puissent être décelés.
Certaines personnes disent que la radiotoxicologie n’est pas assez performante pour détecter les contaminations : c’est faux. Si les recueils sont réalisés pendant les journées de travail à risque et si les flacons sont envoyés rapidement, nous mesurons l’activité dans la foulée. Nos seuils de détection sont très bas. Il n’y a que le fluor 18 que nous ne pouvons pas détecter. Seule une anthroporadiométrie réalisée sur site, à la sortie du poste de travail, permet de le détecter.  

Contacts

Celine Baillon
01.30.15.49.90
celine.baillon@irsn.fr

Laboratoire d’analyses médicales radiotoxicologiques (LAMR)
lamr@irsn.fr - 01 30 15 52 35

Laboratoire de mesure in vivo (Lamiv)
lamiv@irsn.fr - 01 30 15 37 56


Article publié en juin 2019